Notre associée, Patricia Pâme, a eu l’opportunité d’être la directrice de thèse d’une étudiante en médecine finalisant son cursus universitaire, à la faculté Sorbonne Université, à Paris.
Cette étudiante a brillement soutenu sa thèse en obtenant la mention « Très Honorable » pour son investissement et l’originalité de sa recherche, dont le thème était : « Les compétences émotionnelles du médecin généraliste dans la prise en charge palliative et de la fin de vie au domicile ».
Patricia nous livre son témoignage quant à la nature et la forme qu’a pris cet accompagnement pendant 9 mois. Comment elle s’est appuyée sur l’approche pédagogique ATLANS pour « diriger » sa consœur, partant de son idée de thème de recherche pour aller jusqu’à la soutenance de la thèse. Comment elle a approfondi sa propre compréhension des mécanismes à l’œuvre chez chacun d’entre nous.
« Lors d’une réunion à l’automne dernier, une collègue me demande si j’accepterais de diriger la thèse d’une jeune étudiante, car elle-même était déjà engagée auprès d’une autre étudiante. Sans connaître le sujet de recherche, j’ai accepté du fait de l’intérêt que je porte aux étudiants en Médecine et à leur formation. »
Je crois à mon point de vue
« L’identification à son point de vue est sans nul doute le « maître » thème que cette direction de thèse m’a permis d’observer. » observe Patricia Pâme.
Qu’est-ce-que « l’identification à son point de vue » ? Il s’agit d’un mécanisme qui crée un attachement passionnel à notre idée, notre façon de voir, à tel point que nous ressentons une tension, une irritation si notre point de vue n’est pas accepté. Nous sommes alors totalement fermés à toute autre perspective, inc apables de donner une valeur à la façon de voir d’une autre personne. C’est « j’ai raison, c’est comme ça ».
Patricia constate que « L’identification à son point de vue est un facteur de séparation et ce que j’ai pu constater tout le long de cet accompagnement, c’est qu’il est possible de lâcher cet attachement féroce. »
En effet, lorsque nous possédons notre façon de voir, nous nous différencions en comparant soi et l’autre. Si nous ne laissons par notre amour propre, notre vanité nous mener, nous pouvons alors nous détendre, arrêter le « combat » et intégrer une autre manière de voir, un autre prisme que le sien.
« Ce processus d’ouverture a permis à cette étudiante de refonder la base de son approche en l’enrichissant. Elle a pu passer d’une vision plutôt manichéenne et sévère envers les médecins qu’elle a côtoyés à une approche plus ouverte qui lui a permis d’enrichir sa recherche et de réellement prendre en compte la place des émotions dans la pratique du médecin en particulier dans le cadre de soins palliatifs à domicile. »
L’imagination versus l’action
« La pression de la réussite, la tension vers un objectif à atteindre sont des entraves à une action efficace, à une action efficiente » nous dit Patricia.
« Ainsi, pendant le processus de génération de sa thèse, cette étudiante est passée par des phases de tensions émotionnelles très fortes liées à l’absence de retours à ses demandes malgré de nombreuses relances auprès de plusieurs collègues médecins.
L’espoir suscité par des réponses positives aux demandes d’interviews a alors laissé la place à la déception quand il est apparu que ce qui avait semblé « facile » se révélait beaucoup plus ardu que prévu. »
Ce dont il est question ici, c’est notre tendance à considérer comme un obstacle, tout évènement qui ne correspond pas à ce que nous avions prévu, à la manière dont les choses devraient se passer d’après nous. Or, ces événements sont tout simplement des aleas de la vie de tout projet.
Les considérer comme une entrave, un blocage, amène à juger les autres souvent sévèrement, parce que leur comportement, leur attitude ne sont pas à la hauteur de nos standards et de notre exigence sur la manière dont les choses doivent se passer. En clair, c’est comme si nous nous sentions déconsidérés, remis en question dans notre légitimité même : « ce n’est pas possible qu’ils se comportent comme cela, alors que c’est tellement important pour moi ! Ce n’est pas acceptable ! Ils ne se rendent pas compte de l’effort que cela me demande, de tout le travail qu’il y a derrière et des conséquences que cela entraine pour moi ! ».
Soit nous nous arrêtons parce que les faits ne satisfont pas sur nos attentes, soit nous continuons en découvrant comment ne pas être bloqué par une situation que nous n’avons pas choisie et à laquelle nous devons de toute façon nous adapter.
Cela révèle en outre, la peur de ne pas réussir son entreprise, la peur de ne pas être à la hauteur des images que nous avons construites, la peur de l’échec.
Et c’est là qu’intervient une clé précieuse : l’apprentissage.
Dans chaque situation que nous sommes amenés à vivre, il y a la possibilité de renforcer notre capacité à découvrir, à développer notre faculté d’adaptation. Cela n’est possible qu’en relâchant la force que nous mettons à camper sur nos positions, à nous cramponner à nos images, à nos préjugés.
Ce relâchement n’est pas une idée, ni un exercice intellectuel qui serait associé à une quelconque « puissance du mental », mais est réellement un relâchement physique. Les tensions liées à la pression de la réussite, à la peur de l’échec, à l’exigence que nous mettons à accomplir toute chose, ont une traduction physique dans notre corps. Nous le sentons et le savons tous.
Lâcher un point de vue, un a priori voire un a posteriori, commence par apprendre à percevoir ses points de tensions physiques, à les détendre et à cesser de serrer les mâchoires, les poings, la nuque, la poitrine, etc.
L’énergie ainsi récupérée va nous servir à agir simplement, à faire avec régularité sans se laisser envahir par toutes les considérations sur le comportement des uns et des autres.
C’est une pratique incarnée qui, comme toute pratique, demande de la régularité et de l’entrainement.
Patricia Pâme conclut : « Plutôt que de continuer à tempêter et à ruminer, cette étudiante a remplacé une croyance fondée sur un espoir et une image, en un acte qui lui a permis de solliciter d’autres sources, d’autres réseaux, de relancer jusqu’à obtenir une réponse, de découvrir des groupes de soignants ayant des intérêts similaires aux siens, et avec qui elle a commencé à nouer des liens. »